Pour l'adaptation des variantes contextuelles des phonèmes du norrois, deux méthodes sont envisageables :
- La première consiste, comme pour les phonèmes, à remplacer les sons absents de la compétence phonologique des francophones par le premier stade présent dans l'inventaire phonologique du français de leur évolution au sein de la toponymie ou des emprunts français au norrois (A).
- La seconde consiste à remplacer les variantes contextuelles par la manifestation la moins contrainte du phonème auquel elles correspondent (B).
Cette seconde méthode semble d'abord plus simple, et, contrairement à la méthode en (A), elle permet de conserver certaines oppositions du
norrois telles que l'opposition entre les trois voyelles inaccentuées
[ɪ], [ʊ] et [ɐ]. Mais nous verrons cependant qu'elle pose problème si l'on cherche à ce que la langue cible et la langue recréée soient linguistiquement apparentées.
Nous avons vu que l'adaptation du phonème /θ/ selon la méthode en (A) est /t/ (ex : þrep > Tribehou). En conséquence, si l'on opte pour la méthode en (B), l'adaptation de la variante contextuelle [ð] de /θ/ est aussi [t]. Cette méthode suppose un changement ð > t, sans changement d > t. C'est un phénomène impossible dans les langues naturelles.
En effet, un changement spontané ð > t suppose une contrainte qui interdit la présence d'obstruantes plus sonores que t. Une telle contrainte impliquerait donc aussi un changement d > t. Cette méthode ne permet donc pas une continuité de l'analyse phonologique entre la langue recréée et la langue cible. En d'autres termes, la phonologie peut rendre compte de l'évolution entre le proto-germanique et le norrois, mais pas entre le norrois et le franconorrois. Il devient donc impossible, d'un point de vue strictement linguistique, d'établir un lien de filiation entre ces deux derniers. Cette méthode ne permet donc ni un rapport d'identité, ni un rapport de parenté entre la langue cible et la langue recréée.
En effet, un changement spontané ð > t suppose une contrainte qui interdit la présence d'obstruantes plus sonores que t. Une telle contrainte impliquerait donc aussi un changement d > t. Cette méthode ne permet donc pas une continuité de l'analyse phonologique entre la langue recréée et la langue cible. En d'autres termes, la phonologie peut rendre compte de l'évolution entre le proto-germanique et le norrois, mais pas entre le norrois et le franconorrois. Il devient donc impossible, d'un point de vue strictement linguistique, d'établir un lien de filiation entre ces deux derniers. Cette méthode ne permet donc ni un rapport d'identité, ni un rapport de parenté entre la langue cible et la langue recréée.
À l'inverse, le choix de la méthode toponymique, en (A), généralisée à l'adaptation des phonèmes et de leurs variantes contextuelles a les avantages suivants :
Enfin, la méthode en (A) n'implique pas nécessairement la perte d'opposition entre les trois voyelles inaccentuées. Ceci dépend de l'analyse que l'on fait de la prononciation de ces voyelles en norrois. Or, la question, qui est encore débattue dans les milieux académiques, n'aura sans doute jamais de réponse définitive.
- Il est plus économique, d'un point de vue formel, d'employer une seule méthode d'adaptation pour les phonèmes et leurs variantes contextuelles.
- Elle adopte, comme vecteur d'adaptation à la compétence phonologique des francophones, des changements attestés des sons du norrois (ceux que l'on observe dans la toponymie et les emprunts français au norrois), et non des changements théorisés.
- De cette manière, la langue résultante a un lien de parenté linguistique naturel avec la langue cible.
- Elle établit un paysage linguistique homogène entre le franconorrois, la toponymie d'origine scandinave et les emprunts français au norrois.
- La neutralisation des voyelles non accentuées, définie jusqu'à présent comme un inconvénient, doit aussi être présentée comme un avantage. Ce que cette méthode fait perdre à la langue en oppositions, elle lui fait gagner en facilité d'acquisition.
Enfin, la méthode en (A) n'implique pas nécessairement la perte d'opposition entre les trois voyelles inaccentuées. Ceci dépend de l'analyse que l'on fait de la prononciation de ces voyelles en norrois. Or, la question, qui est encore débattue dans les milieux académiques, n'aura sans doute jamais de réponse définitive.